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Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - Il faut saisir le tribunal sans attendre lorsque l’administration ne répond pas dans un délai raisonnable à une réclamation relative au recouvrement de l’impôt

Le 17 décembre 2020
Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - Il faut saisir le tribunal sans attendre lorsque l’administration ne répond pas dans un délai raisonnable à une réclamation relative au recouvrement de l’impôt

Dans un arrêt du 13 novembre dernier (CE,13-11-2020 n°427275), le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions d’application du principe d’introduction des recours dans un délai raisonnable aux contentieux relatifs au recouvrement de l’impôt.

En principe, l’Administration doit répondre aux réclamations qu’on lui adresse, généralement dans un délai de six mois pour le contentieux de l’assiette (lorsqu’on conteste l’existence de la créance du trésor), et dans les deux mois pour le contentieux du recouvrement (lorsqu’on conteste l’obligation de payer).

Lorsque l’Administration ne répond pas, l'article R. 421-5 du Code de justice administrative fait obstacle à ce que le délai de saisine du juge commence à courir, dès lors que les voies et délais de recours ne sont pas mentionnés dans la décision ou que, tout simplement, l'Administration n'est pas en mesure d'établir qu'elle a informé l'administré sur ce point.

Mais l’Administration estime que ce droit au recours illimité en l’absence de réponse formelle du service heurte la sécurité juridique des relations établies.

Le Conseil d’Etat a en effet dégagé en contentieux administratif général la règle selon laquelle « le principe de sécurité juridique qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance » (CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Czabaj).

Par exception, en matière de contentieux fiscal lorsqu’il s’agit de l’assiette de l’impôt, le Conseil d'Etat considère (CE, 8e et 3e ch., 7 déc. 2016 n° 384309, EURL Cortansa) « que si, en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif, le délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R. 421-5 du Code de justice administrative, comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée ».

En cas de décision implicite de rejet en matière de contentieux fiscal d’assiette, le Conseil d’Etat a donc expressément confirmé l’absence de tout délai de recours contre une décision implicite au visa des dispositions de l’article R. 199-1 du LPF (CE, 9e et 10e ch., 8 févr. 2019, n° 406555, SARL Nick Danese Applied Research).

Le tribunal compétent peut donc être saisi sans limite de délai dans le contentieux de l’assiette, tant que le service n’a pas répondu à la réclamation.

En revanche, lorsqu’une une décision a été notifiée, il convient d’opérer une distinction entre les décisions correctement notifiées, c'est-à-dire celles qui comportent les voies et délais de recours, et celles qui ne comportent pas l'une de ces mentions, ou pour lesquelles l'Administration ne peut établir qu'elle les a régulièrement notifiées. S'agissant de la première catégorie, les délais de recours prévus par le Livre des procédures fiscales trouvent à s'appliquer directement et ne soulèvent pas de difficulté particulière. S'agissant de la seconde catégorie, en revanche, le délai de réclamation ne court pas indéfiniment : il est égal au délai de réclamation prévu par le Livre des procédures fiscales augmenté d'un an, dès lors qu'il est établi que le contribuable a eu connaissance des impositions (CE, sect., 31 mars 2017, n° 389842).

Dans une décision du 13 novembre 2020 (n°427275), le Conseil d’Etat vient d’ajouter un degré de complexité supplémentaire au détriment du contribuable, en précisant que des règles différentes s’appliquent lorsque le contentieux porte sur le recouvrement de l’impôt.

Rappelons que, selon le Livre des procédures fiscales, en cas de rejet implicite d’une réclamation relative au recouvrement de l’impôt, né du défaut de réponse de l’administration dans un délai de deux mois, le contribuable dispose de deux mois pour saisir le juge (art. R 281-4 LPF). Ce délai ne lui est toutefois pas opposable s’il n’a pas été informé des voies et délais de recours.

Le Conseil d’Etat juge que dans un tel cas (absence de réponse à une réclamation contre un acte de poursuite ou de recouvrement) la règle relative au délai raisonnable d’un an au-delà duquel un recours juridictionnel ne peut être exercé est applicable.

Selon la Haute juridiction, ce délai court soit à compter de la date de naissance de la décision implicite de rejet si l’intéressé a été informé de cette date lors de sa réclamation, soit à compter de la date à laquelle il a eu, lors d’échanges ultérieurs avec l’administration, connaissance de cette décision.

Soulignons qu’en matière de recouvrement, si la décision est notifiée de façon irrégulière, le délai raisonnable ne s'ajoute pas au délai de réclamation prévu par les articles L. 281 et R.* 281-3 du LPF (contrairement à ce qui est prévu en matière de contentieux d’assiette) mais il se fond dans celui-ci pour être, globalement, d'un an (CE, sect., 31-3-2017 n° 389842).

Ainsi, les délais de recours contre une décision de rejet implicite née du silence de l’Administration ne se décomptent pas de la même manière dans le contentieux de l’assiette et dans celui du recouvrement. C’est là une source de risques et d’incertitudes supplémentaires pour le contribuable.

Compte tenu des pratiques actuelles de l’administration fiscale, la règle de recours dans un délai raisonnable en matière de contentieux du recouvrement devrait rester d’une portée limitée dès lors qu’il est encore assez rare qu’il soit adressé aux réclamants un accusé de réception, pourtant prévu par l’article R.112-5 du Code des relations entre le public et l'administration, qui précise la date à laquelle, à défaut d’une décision expresse, la réclamation est réputée rejetée. 

Mais l’Administration va sans doute adapter ses pratiques, ce qui doit inciter les contribuables à la vigilance et à ne pas rester inactifs lorsque l’administration ne répond pas à leurs contestations, surtout si elles sont fondées.

 

Geoffroy WOLF geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr