Menu
Menu
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - Jurisprudence du cabinet – licéité et dévolution de la preuve - déduction des rémunérations correspondant à l’emploi de clandestins

Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - Jurisprudence du cabinet – licéité et dévolution de la preuve - déduction des rémunérations correspondant à l’emploi de clandestins

Le 29 juillet 2021
Jeudis des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - Jurisprudence du cabinet – licéité et dévolution de la preuve - déduction des rémunérations correspondant à l’emploi de clandestins

CAA Lyon, 2ème chambre - N° 19LY03590 - SARL GB - 1er avril 2021 - C+

Licéité de la preuve : l’administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

Dévolution de la preuve : lorsque le contribuable apporte la justification des charges par la production d’éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée, il incombe ensuite au service d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

La SARL GB exerce une activité de restauration sur place et accessoirement de plats à emporter. Au vu des éléments de la procédure pénale des chefs d’exécution d’un travail dissimulé, d’emplois d’étrangers non munis d’une autorisation de travail et d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France, le vérificateur a exclu des charges déductibles les rémunérations versées en espèce des travailleurs en situation irrégulière au motif qu’elles ne correspondaient pas à un travail effectif au sein de la société.

La société a, en conséquence, été assujettie à des compléments d’impôt sur les sociétés notifiés selon la procédure contradictoire. Ultérieurement, le Tribunal Correctionnel a prononcé l’annulation des procès-verbaux de la procédure pénale sur lesquels s’appuie exclusivement l'administration.

La société a contesté les redressements en invoquant le fait que l’administration fiscale ne pouvait fonder les rectifications sur les actes d’une procédure pénale qui ont été annulés par le juge pénal, et que les salaires versés même à des travailleurs en situation irrégulière constituaient des charges déductibles.

En première instance le Tribunal a rejeté sa demande de décharge. La société a donc fait appel de ce jugement devant la Cour Administrative d'Appel.

La Cour Administrative d'Appel de Lyon, dans un arrêt classé C+, juge que l’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen interdit à l’administration fiscale de se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

S’agissant de la déductibilité des charges correspondant aux salaires versés en espèce aux travailleurs en situation irrégulière, la Cour rappelle qu’il appartient au contribuable de justifier des charges qu'il entend déduire du bénéfice net et que le contribuable peut apporter cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

La Cour rappelle également que par suite, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe alors au service d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

En l’espèce la Cour retient que la société a apporté la preuve de la réalité du travail fourni par les personnes en situation irrégulière dans l'établissement, mais que l’administration n’apportait pas en retour la preuve qui désormais lui incombait.

Dans ces conditions, la Cour juge que l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, s'agissant de rémunérations comptabilisées à titre de rémunérations, que les charges comptabilisées par la SARL GB étaient dépourvues de contreparties pour elle.

Cet arrêt permet de rappeler le principe selon lequel lorsque la charge de la preuve pèse sur le contribuable et que ce dernier apporte des éléments justificatifs, l’administration supporte alors à son tour l’obligation d’apporter la preuve objective pour contredire les éléments apportés par le contribuable. Si elle ne le fait pas, le contribuable doit être déchargé des redressements.


Contact : geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr