Menu
Menu
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Jeudis des fiscalistes - Laëtitia Pignier - Situation des organismes sans but lucratif aux impôts commerciaux, exonération en raison de l’âge du public concerné et de la distance à parcourir pour accéder à des services similaires

Jeudis des fiscalistes - Laëtitia Pignier - Situation des organismes sans but lucratif aux impôts commerciaux, exonération en raison de l’âge du public concerné et de la distance à parcourir pour accéder à des services similaires

Le 30 mars 2023
Jeudis des fiscalistes - Laëtitia Pignier - Situation des organismes sans but lucratif aux impôts commerciaux, exonération en raison de l’âge du public concerné et de la distance à parcourir pour accéder à des services similaires

Dans un arrêt du 3 mars 2023, (CAA Nantes 3 mars 2023, n° 21NT01869), la Cour administrative d’appel de Nantes, annulant un jugement du tribunal administratif de Caen, et après avoir constaté que la gestion d’une association était désintéressée, a retenu que les services rendus par cette association ne pouvaient pas être considérés comme étant en concurrence avec des entreprises commerciales, en raison de l'âge du public concerné.

Rappelons en effet que les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 sont susceptibles de se livrer à des activités de caractère lucratif et d'être soumises à ce titre aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés, Taxe sur le Valeur Ajoutée et Contribution Economique Territoriale) sans que cela ne remette en cause leur statut juridique d'associations.

Le caractère lucratif ou non lucratif, conditionnant la soumission ou l'absence de soumission d'une association aux impôts commerciaux est déterminé au moyen d'une démarche en trois étapes conduite, pour chaque activité réalisée par l'association, selon les principes énoncés par la doctrine administrative et par la jurisprudence.

1ère étape : Examen du caractère intéressé ou non de la gestion de l’organisme.

Si le caractère intéressé de la gestion est avéré, l’organisme est soumis aux impôts commerciaux. Dans le cas contraire, il convient de passer à la deuxième étape.

2ème étape : Examen de la situation de l'organisme au regard de la concurrence.

Si l'activité de l'organisme ne concurrence aucune entreprise du secteur lucratif, elle n'est pas lucrative et n'est donc pas soumise aux impôts commerciaux. Si au contraire l'activité de l'organisme est exercée en concurrence avec une entreprise du secteur lucrative, il convient de passer à la troisième étape.

3ème étape : Examen des conditions d’exercice de l’activité.

 Si l'activité est exercée dans des conditions similaires à celles des entreprises du secteur lucratif, elle est soumise aux impôts commerciaux. Dans le cas contraire l'organisme est exonéré d'impôts commerciaux pour l'activité considérée. La comparaison des conditions d’exercice de l’activité est effectuée à l’aide d’un faisceau d’indices. Cette méthode, dite « des 4 P », consiste en une analyse de quatre critères, classés par ordre d’importance décroissante : le « Produit » proposé par l’organisme, le « Public » visé par l’organisme, le « Prix » pratiqué et les opérations de communication réalisées (« Publicité »).

Selon l’administration :

_ Le produit doit être d’utilité sociale et tendre à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou qui l'est de façon peu satisfaisante.

_ Sont susceptibles d'être d'utilité sociale les actes payants réalisés principalement au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (chômeurs, personnes handicapées notamment, etc.). (public)

_ Il convient par ailleurs d'évaluer si les efforts faits par l'organisme pour faciliter l'accès du public se distinguent de ceux accomplis par les entreprises du secteur lucratif, notamment par un prix nettement inférieur pour des services de nature similaire. Cette condition peut éventuellement être remplie lorsque l'organisme pratique des tarifs modulés en fonction de la situation des clients.

_ Le recours à des pratiques commerciales est en principe un indice de lucrativité. Toutefois, l'organisme peut, sans que sa non-lucrativité soit remise en cause, réaliser une information, notamment sur des sites internet, sur ses prestations sans toutefois que celle-ci s'apparente à de la publicité commerciale destinée à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel. (publicité)

Soulignons que ces critères ne s'appliquent pas aux organismes qui exercent leur activité au profit d'entreprises et qui sont, de ce fait, imposables aux impôts commerciaux.

En outre, les organismes sans but lucratif ayant pour objet de rendre à  leurs seuls adhérents des services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif bénéficient d’une exonération d’impôts commerciaux même si leurs activités sont exercées dans des conditions similaires à celles des sociétés commerciales.

Dans l’affaire examinée par la Cour Administrative d’appel de Nantes, une association, l'association Danses et Loisirs, organisait des soirées dansantes, des tea-parties et des stages de danse pour un public de 3e âge.

Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l’administration fiscale a estimé que l’association devait déposer des déclarations mensuelles de TVA et les liasses fiscales relatives à l'impôt sur les sociétés. L’administration fiscale a en outre assorti les rappels de la majoration de 80 %, prévue à l'article 1728 du CGI.

L’association a saisi le tribunal administratif de Caen pour demander la décharge des impositions en cause mais celui-ci a rejeté sa demande.

Saisie de l’appel de l’association, la CAA de Nantes a annulé l’intégralité des rappels notifiés par l’administration fiscale aux motifs que les services rendus par cette association ne pouvaient pas être considérés comme étant en concurrence avec des entreprises commerciales, en raison de la distance à parcourir (comprise entre 20 et 63 km) organisant également des thés dansants compte tenu des contraintes de déplacement liées à l'âge du public concerné par les services proposés par l’association.

L’arrêt de la CAA de NANTES confirme qu’il y a lieu d'avoir une analyse fine des conditions de concurrence pour déterminer la situation d’un organisme sans but lucratif vis-à-vis des impôts commerciaux.

 

laetitia-3.jpg

Laëtitia Pignier,

Avocat associé.

Contact : laëtitia.pignier@arbor-tournoud.fr