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22 Octobre 2020 : Jeudi des Fiscalistes - Geoffroy Wolf - La solitude du maître de l’affaire, commentaire des arrêts récents du Conseil d’Etat.

Le 16 octobre 2020

(CE 8e-3e ch. 29-6-2020 no 432815, CE 8e-3e ch. 29-6-2020 no 433827)

La vérification de comptabilité d’une société relevant de l’impôt sur les sociétés s’accompagne assez généralement de rappels d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au nom des bénéficiaires réels ou supposés des revenus distribués par la structure.

Lorsque les revenus distribués correspondent à des montants qui n’ont pas donné lieu à imposition à l’impôt sur les sociétés l’administration peut les imposer au nom des associés, à condition de prouver l’appréhension effective par ces associés (CGI art. 109, 1-2°, CE 22-1-1982 n°22554 et 22556 ; CE 20-6-1984 n°35616).

L’administration fiscale peut aussi fonder l’imposition des bénéficiaires des revenus distribués occultes sur les dispositions de l’article 111 c du CGI, qui permet de regarder comme des bénéfices distribués, pour l'assiette de l'impôt applicable à ceux qui en ont bénéficié, les avantages occultes consentis par la société, même si lesdits avantages ont en fait échappé à l'impôt sur les sociétés.

L'article 111 c du CGI constitue donc une base légale autonome de l'imposition des distributions, pourvu que l’administration mette en avant le caractère dissimulé de la distribution.

Enfin, l’article 109, 1-1° du CGI pose une présomption « légale » de distribution des bénéfices, lorsque ceux-ci n’ont pas été mis en réserve ou incorporés au capital en vertu d’une décision régulière des organes sociaux.

Cette présomption ne joue que si le contrôle fait apparaître un véritable désinvestissement (CE plén. 5-12-1984 n°46962 ; CE 29-9-1989 n°75304).

Mais cette présomption n’est opposable qu’à la société, ce qui signifie en particulier qu’elle ne s’étend pas aux bénéficiaires, qui peuvent être aussi bien des dirigeants sociaux, des associés, que des tiers à la société.

Lorsque le service se fonde sur les dispositions des articles 109, 1-1° ou 111 c du CGI, il lui reste à identifier le bénéficiaire des revenus distribués, afin de pouvoir mettre à sa charge les montants en cause et établir l’impôt sur le revenu et les contributions sociales correspondantes.

La présomption « légale » de distribution ne jouant que contre la société distributrice, il reste donc au service d’identifier le bénéficiaire, et, lorsque celui-ci n’accepte pas les rectifications qui lui sont proposées selon la procédure contradictoire, de prouver la réalité de l’appréhension par le bénéficiaire de ces bénéfices irrégulièrement distribués (CE sect. 8-11-1974 n°83219, 83823 et 87994 ; CE 20-3-2013 n°351235).

Dans ce but, l’administration est admise à mettre ces rappels à la charge de celui qu’elle identifie comme le « seul maître de l’affaire ».

L’identification du maître de l’affaire équivaut donc, pour l’administration, à prouver l’appréhension effective des distributions irrégulières par celui-ci.

Le maître de l’affaire est celui qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d’user sans contrôle des biens de la société comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle.

Deux  décisions récentes (CE 8e-3e ch. 29-6-2020 no 432815, CE 8e-3e ch. 29-6-2020 no 433827) permettent de mieux cerner les conséquences pratiques de cette définition.

Il en résulte notamment que la qualité de seul maître de l’affaire suffit à regarder ce contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société, même s’il n’a pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou si elles ont été versées à des tiers.

Ces décisions interdisent donc aux dirigeants de société qui répondent à la définition jurisprudentielle du maître de l’affaire de contester l’impôt mis à leur charge en cette qualité, même s’ils n’ont pas, en réalité, appréhendé personnellement ces sommes.

Il y a donc là, désormais, une source de risque fiscal supplémentaire pour les dirigeants de société.

Contact : geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr