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22 Octobre 2020 : Jeudi des Fiscalistes - Marie Laure Mascoli - Marchand de bien un jour, marchand de bien toujours ?

Le 16 octobre 2020

Le Conseil d’Etat est venu préciser, par une décision du 18 mars 2020 (CE 18 mars 2020, n° 425443, Min. c/ SCI ESPM), les conditions d’application du régime de marchands de biens, et les conséquences d’une telle requalification.

Petit rappel

Du point de vue fiscal, sont considérées comme marchands de biens les personnes qui, habituellement, achètent en leur nom en vue de les revendre des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent en vue de les revendre des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés (CGI art. 35, I-1°).

Dès 1925, il a été rangé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les profits réalisés par les personnes qui achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles.

Le texte légal vise les personnes physiques, mais ces dispositions sont également applicables aux sociétés de personnes.

Pour que les dispositions de l'article 35, I-1° du CGI soient applicables, trois conditions doivent être simultanément remplies :

  • les opérations doivent être habituelles et les achats ou les souscriptions doivent avoir été effectués avec l'intention de revendre ;
  • elles doivent consister en achats (ou souscriptions) suivis de ventes ;
  • et porter sur les biens limitativement énumérés par l'article 35, I-1° : immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières.

Evidemment, l'exclusion d'une opération du régime d'imposition des marchands de biens parce qu'elle ne répond pas à toutes les conditions exposées ci-dessus (et en particulier à la double condition d'habitude et d'intention spéculative) ne conduit pas à son exonération totale. Une telle opération relève alors du régime d'imposition des plus-values privées défini par l'article 150 U du CGI.

Apport de l’arrêt

C’est l’histoire d’une SCI qui a pour objet la réalisation de diverses opérations immobilières sans y inclure celle de marchand de biens. La SCI étant translucide, ses associés personnes physiques acquittaient l'impôt sur le revenu au prorata de leur participation.

La SCI a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2008, 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la société se livrait à une activité commerciale de marchand de biens. Elle a donc assujetti la société à l'impôt sur les sociétés et les associés, dans la mesure où ils avaient encaissé les revenus de la société, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Sur la qualification de l'activité exercée en 2008 et 2009, la jurisprudence ne permettait aucun doute.

Pour qualifier l'exercice d'une activité de marchand de biens qui est commerciale par détermination de la loi (CGI, art. 35, 1°), deux conditions doivent être cumulativement réunies

  • la première est celle de l'intention spéculative dans laquelle est poursuivie l'acquisition du bien immobilier (acquis en vue de la revente) ;
  • la seconde est le caractère habituel de l'activité.

Ces deux conditions sont facilement remplies.

L'existence d'une intention spéculative, appréciée à la date de l'acquisition, se déduit du contexte de l'acquisition suivie de la revente.

Le caractère habituel de l'opération se déduit certes du nombre d'opérations, mais la jurisprudence n'est pas très exigeante : l'achat d'un seul immeuble suivi de sa revente par lots suffit à caractériser une activité habituelle (CE, ass. plén., 12 juin 1992, n° 67758 )

En l'espèce, la société avait acquis trois immeubles qu'elle avait revendus par lots en 2008 et 2009. La qualification de l'activité de marchand de biens, retenue par l'administration, était donc incontestable pour 2008 et 2009.

La difficulté était apparue pour l’année 2010, année durant laquelle la société ne s'était livrée à aucune opération d'achat ou de revente, mais s'était bornée à encaisser des loyers.

La Cour, raisonnant année par année avait considéré de la seule absence d'opération d'achat ou de revente en 2010, que la société devait être regardée comme ayant cessé d'exercer son activité de marchand de biens au cours de cette année : « Il est constant qu'au cours de l'année 2010, la SCI n'a effectué aucune revente mais qu'elle s'est exclusivement livrée à des opérations de location de biens immobiliers à raison desquelles elle a déclaré des revenus fonciers. La société requérante ne s'est donc pas livrée, pour l'année 2010 en cause, à des opérations relevant du champ d'application de l'article 35 du CGI ».

Le Conseil d’Etat a censuré la décision en considérant que le fait de se livrer à aucune opération au cours d'une année n'implique pas qu'elle ait renoncé à exercer son activité : l'interruption d'activité est démontrée non pas par la seule absence d'opérations au cours d'une année déterminée, mais par le contexte dans lequel s'inscrit cette absence d'opérations. 

Contact : marie-laure.mascoli@arbor-tournoud.fr