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Jeudis des fiscalistes - Geoffroy Wolf - Redressement fiscal d’une activité occulte - Le contribuable dispose d’un délai de 10 ans pour contester le redressement, même si l’administration a notifié les redressements dans le délai de droit commun

Le 01 décembre 2022
Jeudis des fiscalistes - Geoffroy Wolf - Redressement fiscal d’une activité occulte - Le contribuable dispose d’un délai de 10 ans pour contester le redressement, même si l’administration a notifié les redressements dans le délai de droit commun

La découverte par l’administration fiscale d’une activité occulte (défaut de dépôt dans le délai légal des déclarations, ou défaut de déclaration d’existence d’une activité, ou activité illicite) entraine un certain nombre de conséquences sur la procédure de redressement fiscal du contribuable concerné.

C’est le cas du délai de reprise (délai pendant lequel l’administration peut notifier des redressements) car l'article L. 176 du livre des procédures fiscales prévoit, par exception, que ce délai court non pas comme dans la majorité des cas jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, mais jusqu'à la fin de la dixième année.

Le contribuable redressé dispose quant à lui en principe d’un délai pour contester et déposer une réclamation contre le redressement qui, selon l’article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, est « égal à celui de l'administration ».

Une lecture littérale de ces textes a conduit des contribuables à considérer que puisque l’administration en cas de découverte d’une activité occulte disposait d’un délai de 10 ans pour notifier des redressements, ils bénéficiaient de ce même délai de 10 ans pour déposer des réclamations contentieuses contre ces redressements.

Mais les juridictions avaient créé une subtile exception lorsque l’administration n’avait pas revendiqué ce délai de 10 ans mais avait notifié les redressements dans le délai de droit commun de 3 ans : dans ce cas il était jugé que le contribuable ne disposait que du délai de droit commun de 3 ans pour déposer une réclamation, et que celles déposées dans un délai de 4 à 10 ans étaient irrecevables car tardives.

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 22/07/2022, est venu apporter des précisions sur cette question dans une affaire dont les faits sont les suivants : M. C... a fait l'objet d'une proposition de rectification du 9 juin 2010 au titre de la période du 1er janvier 2008 au 28 février 2009, à raison de l'exercice d'une activité occulte de vente de cartes téléphoniques. Le tribunal administratif de Lille et la Cour d'Appel de Douai ont rejeté sa réclamation qu'il avait présentée le 29 décembre 2014 en considérant qu’elle était tardive.

Selon le contribuable, il disposait d’un délai de 10 ans à compter de la proposition de rectification du 09 juin 2010, soit jusqu’au 31 décembre 2020, pour déposer une réclamation. Sa réclamation du 09 juin 2014 était donc recevable.

La Cour Administrative d'Appel a considéré au contraire que puisque l'administration a mis en œuvre son droit de reprise dans le délai de droit commun de trois ans, le délai de réclamation bénéficiant au contribuable n’a pas été porté à 10 ans et devait être limité à 3 ans selon les règles de droit commun. La proposition de rectification datant du 09 juin 2010, le délai de réclamation expirait donc le 31 décembre 2013 et la réclamation du 09 juin 2014 était tardive.

Le Conseil d’Etat, par sa décision du 22/07/2022, a cassé l’arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Douai pour erreur de droit, et :

- Rappelle qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt ;

- Juge que s'agissant des taxes sur le chiffre d'affaires et lorsque le contribuable exerce une activité occulte, le délai de réclamation expire le 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée.

Ainsi, le contribuable redressé au titre d’une activité occulte dispose d’un délai de réclamation de 10 ans, peu importe que l’administration ait revendiqué ou non ce délai de 10 ans dans le cadre de la procédure de redressement.

Cette décision est finalement équitable et équilibrée puisqu’elle aligne le délai de réclamation avec le délai de reprise dont bénéficie l’administration fiscale, car rappelons-le, le délai de 10 ans dont dispose l’administration n’est pas optionnel et s’applique même si l’administration fiscale a notifié des redressements dans le délai de 3 ans. Ainsi, même si l’administration a notifié une proposition de rectification interruptive de prescription dans le délai de 3 ans de droit commun, c’est un nouveau délai de prescription de 10 ans qui commence alors à courir. Il parait donc normal que le contribuable dispose d’un même délai pour contester les redressements.

Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22/07/2022, 451206

 

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Geoffroy Wolf,

Avocat associé.

Contact : geoffroy.wolf@arbor-tournoud.fr