Jeudis des Fiscalistes - Laëtitia Pignier - La Cour de Cassation précise la notion de prépondérance immobilière
Dans une décision rendue le 02 décembre 2020 (n°18.25.559), la Cour de Cassation vient de préciser qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte les immeubles par destination pour l’appréciation de la prépondérance immobilière d’une personne morale.
Rappelons que la notion de prépondérance immobilière a pour objectif de faire obstacle aux conséquences fiscales liées à l’interposition d’une personne morale entre un immeuble et son propriétaire réel et qui tendrait à taxer l’opération comme une cession de droits sociaux classiques.
Ainsi, les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière sont soumis à la formalité de l’enregistrement, et taxées comme des cessions d'immeubles aux droits d’enregistrement au taux de 5 %, au lieu des 0,1 % habituellement applicables en matière de cession de droits sociaux. (Art. 726,I CGI).
Le code général des impôts définit que « Est à prépondérance immobilière la personne morale, (..), dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers ou sur un système multilatéral de négociation et dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers (…). » (Art.726, I, 2° CGI).
Pour apprécier la prépondérance immobilière d'une société, il faut examiner le rapport suivant :
– au numérateur : d'une part, la valeur des immeubles et droits réels immobiliers possédés en France et ce, quelle que soit l'utilisation qu'elle en fait, c'est-à-dire qu'elle les affecte ou non à sa propre exploitation ; d'autre part, la valeur des participations détenues dans des personnes morales à prépondérance immobilière ;
– au dénominateur : la valeur brute réelle de la totalité des éléments d'actif mondiaux, c'est-à-dire notamment, outre les actifs retenus au numérateur, la valeur des immeubles et droits immobiliers situés à l'étranger et les participations dans des personnes morales qui ne sont pas à prépondérance immobilière (BOI-ENR-DMTOM-40-10-10, 12 sept. 2012, § 180).
Si le rapport n'excède pas 50 % au titre de l'un de ces trois exercices, la cession est soumise au régime des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux. Si la société dont les droits sociaux sont cédés n'a pas encore clos son troisième exercice, la composition de l'actif est appréciée à la clôture du ou des seuls exercices clos ou, à défaut, à la date de la cession.
Dans l’affaire examinée par la Cour de Cassation, eu égard à l'importance des installations techniques affectées à l'exploitation dont la nature d'immeubles par destination n'était pas contestée, (il s’agissait d’une centrale hydroélectrique) il convenait de déterminer si ces immeubles par destination devaient être pris en compte dans la détermination du ratio immobilier prévu par la loi.
Selon la Cour de cassation le texte fiscal « ne mentionnant que les immeubles et droits réels immobiliers, sans viser les immeubles par destination, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces derniers ne peuvent être pris en compte pour déterminer si, au sens de l'article 726, I, 2°, susvisé, une personne morale est à prépondérance immobilière ».
La Cour de Cassation a ainsi retenu une appréciation restrictive de la notion de prépondérance immobilière.
Cette notion ne fait pas donc toujours pas l’objet d’une définition unique, et celle-ci varie en fonction des mécanismes et impositions applicables.
Contact : laetita.pignier@arbor-tournoud.fr
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