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Jeudis des fiscalistes - Marc Tournoud - Jurisprudence du cabinet - Taxation d’office - Qui doit prouver quoi, telle est la question…

Le 23 février 2023
Jeudis des fiscalistes - Marc Tournoud - Jurisprudence du cabinet - Taxation d’office - Qui doit prouver quoi, telle est la question…

Jurisprudence du cabinet : TA Grenoble, n° 1904618, 2007989, 10 novembre 2022

 

D’une manière générale, les contribuables se trouvent en situation de taxation d’office lorsqu’ils n’ont pas souscrit, dans les délais légaux, les déclarations fiscales auxquelles ils sont astreints.

En ce qui concerne la TVA, la taxation d’office est encourue dès que les déclarations sont souscrites hors délai, et aussi, bien entendu, si elles ne sont pas déposées après une première mise en demeure.

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, en règle générale, la taxation d’office n’est encourue que si le contribuable ne donne pas suite à une première mise en demeure de déposer la déclaration jugée manquante.

On sait de très longue date (CE 29 octobre 1984, n° 35075, 8e et 7e sous-sections), que dans le cadre des contentieux d’impôts établis au terme d’une procédure de taxation d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable.

Ainsi, l’article L. 193 du livre des procédures fiscales énonce : « Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition ».

L’article R. 193-1 du même livre ajoute : « Dans le cas prévu à l’article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ».

L’administration ne se prive pas de le rappeler dans tous les contentieux qui font suite à une taxation d’office : c’est sur le contribuable que pèse la charge de prouver l’exagération des impositions mises à sa charge par voie de taxation d’office, alors qu’en principe, sous réserve de quelques présomptions légales, c’est l’administration qui supporte la charge de la preuve du bien-fondé des rappels lorsque ceux-ci ont été établis selon la procédure contradictoire de droit commun.

La question de la charge de la preuve est bien entendu déterminante dans la gestion des contentieux fiscaux.

Il est en effet bien plus confortable pour le contribuable de soutenir devant le Juge de l’impôt que le service n’apporte pas la preuve du bien-fondé des rappels, plutôt que d’avoir à prouver que c’est l’administration qui se trompe ou qui exagère.

Ainsi, lorsque la situation de taxation d’office renverse la charge de la preuve au détriment du contribuable, le contentieux des impositions qui en découlent est bien plus difficile.

Pour autant, qui doit prouver que c’est bien la situation de taxation d’office qui s’applique ?

L’administration l’oublie souvent, mais c’est à elle qu’il appartient d’établir, lorsqu’elle entend procéder à la taxation d’office d’un revenu professionnel pour défaut de déclaration, que le contribuable exerce une activité professionnelle génératrice des revenus considérés.

Une affaire récente (TA Grenoble, n° 1904618, 2007989, 10 novembre 2022) illustre ce principe.

L’administration affirmait qu’une SCI avait exercé, en 2016 et 2017, une activité de location de locaux meublés ou aménagés, ce qui l’aurait rendue redevable de la TVA, et de l’impôt sur les sociétés.

Le service s’appuyait sur le fait que la SCI avait mentionné cette activité dans ses déclarations des années précédentes, et fondait sa taxation d’office sur le fait qu’elle n’avait en revanche déposé ni déclarations de TVA ni déclarations d’IS pour les exercices 2016 et 2017.

Pour sa part, la SCI expliquait qu’elle avait cessé cette activité commerciale en 2015.

Dans cette affaire, le tribunal a rappelé que c’est, au départ, à l’administration, lorsqu’elle entend procéder à la taxation d’office d’un revenu professionnel pour défaut de déclaration, qu’il appartient d’établir, dans tous les cas, que le contribuable exerce l’activité justiciable des déclarations regardées comme manquantes.

Relevant que la SCI soutenait avoir cessé cette activité depuis 2015, le tribunal a relevé que l’administration n’apportait pas la preuve de la réalité de cette activité en se bornant à faire valoir que la requérante avait souscrit des déclarations de résultat au titre des exercices 2014 et 2015, puis plus aucune déclaration au titre des exercices 2016 et 2017.

Le service ne justifie pas plus du bien-fondé de la taxation à l’impôt sur les sociétés par le fait que la SCI, à la suite de sa réclamation, n’a pas répondu à l’invitation qu’elle lui a adressée de produire les justificatifs relatifs à la cessation de son activité de location meublée.

L’administration ne rapportant pas la preuve, qui lui incombait au moment du contrôle, de la situation de taxation d’office, le tribunal a jugé que la SCI était fondée à demander la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2016 et 2017 ainsi que des pénalités correspondantes.

Cette affaire rappelle utilement qu’en situation de taxation d’office, il ne faut pas nécessairement prendre au pied de la lettre les affirmations péremptoires de l’administration, lorsqu’elle rejette dédaigneusement les recours au motif que les rappels ont été établis au terme d’une taxation d’office, qui met la preuve à la charge du contribuable.

En effet, une telle défense n’est opérante que pour autant que la situation de taxation d’office soit incontestable.

Dans les contentieux des impositions émises par voie de taxation d’office il ne faut donc pas manquer de vérifier si, et comment, le service démontre, ou pas, que le contribuable exerce effectivement l’activité justiciable des déclarations regardées comme manquantes.

Sur ce point, la charge de la preuve incombe à l’administration.

 

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Marc Tournoud,

Avocat associé, spécialiste en droit fiscal.

Contact : marc.tournoud@arbor-tournoud.fr