Jeudis des fiscalistes - Sophie Morand - Jurisprudence du cabinet - Plus-value de cession de titres - Usage de la valeur moyenne pondérée d’acquisition même si les titres sont numérotés
CAA Lyon, N°21LY03016, 10 juillet 2023
Cette affaire est celle d’un contribuable qui a fait l’objet d’un contrôle fiscal portant notamment sur la plus-value déclarée lors de la cession des titres de son entreprise.
L’administration fiscale avait remis en cause les modalités de calcul ainsi que les abattements appliqués. Notamment, la méthode de détermination du prix d’acquisition des titres cédés était discutée.
La Direction des finances publiques soutenait que si le titre est numéroté, il serait donc identifiable et la plus-value de cession nécessairement déterminée en calculant la différence entre le prix effectif de cession du titre et le prix effectif d’acquisition. Selon son analyse, la méthode du prix moyen pondéré prévue par le 3 de l’article 150-0 D du CGI ne peut être appliquée sauf à ce que la totalité des titres individualisables soit cédée.
Nous contestions pour notre part cette lecture de l’article 150-0 D du Code général des impôts.
A notre avis, cet article pose une règle : le prix d’acquisition est celui effectivement acquitté à la date d’achat. Puis il pose une exception non optionnelle : l’utilisation de la méthode du prix moyen pondéré dès lors que les titres cédés appartiennent à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents.
Aussi, dès lors qu’il s’agit de titres de même nature, le contribuable doit faire application de la règle posée par le 3° de l’article susmentionné.
Le texte ne distingue nullement les titres identifiables des titres non identifiables mais fait seulement mention des « titres de même nature ».
Si les titres accordent les mêmes droits à leur titulaire, et quand bien même le prix d’acquisition réel peut être identifié, il s’agit de « titres de même nature », permettant au contribuable de faire application du 3° de l’article susmentionné.
La Cour nous donne raison et juge qu’« Alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que ces titres relèveraient de catégories différentes et n’auraient pas la même nature que les autres titres de la SARL antérieurement détenus par l’intéressé, acquis pour des prix différents, les contribuables sont fondés à soutenir que le prix d’acquisition des titres cédés en 2015 devait être déterminé en faisant application de la valeur moyenne d’acquisition pondérée de ces titres, alors même qu’il s’agissait de titres numérotés. ».
Le juge d’appel contredit donc le Tribunal administratif de Grenoble (TA Grenoble, 7 juillet 2021, n°1904195) qui avait étonnement jugé que la méthode du prix moyen pondéré d’acquisition n’aurait en tout état de cause pas d’incidence sur le montant de l’imposition litigieuse.
Il considérait que les titres cédés provenant tous d’une attribution gratuite suite à une augmentation de capital par incorporation des réserves, leur prix d’acquisition était nul et qu’ainsi la valeur moyenne pondérée de leur acquisition l’était également et nécessairement.
Le juge d’appel censure ce raisonnement, repris en appel par le Ministre, dès lors que la méthode du prix moyen pondéré consiste à prendre en compte la valeur moyenne d’acquisition de l’ensemble des titres détenus, qu’ils aient été, ou non, antérieurement cédés.
Cette solution est à notre avis conforme à la logique mathématique, exposée d’ailleurs par la doctrine administrative : « la valeur moyenne pondérée d'acquisition d'une série de titres de même nature n'est pas affectée par les ventes de titres de cette série, elle reste la même tant que le contribuable ne procède pas à de nouvelles acquisitions de titres de même nature » (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40 n°50).
Sophie Morand,
Avocat associé.
Contact : sophie.morand@arbor-tournoud.fr
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