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Jeudis des Fiscalistes - Sophie MORAND - Jurisprudence du cabinet - Taxation forfaitaire d’après « les signes extérieurs » : le droit fiscal ignore les réalités du concubinage (CAA Lyon, 30/06/2020, n°18LY03488).

Le 21 janvier 2021
Jeudis des Fiscalistes - Sophie MORAND - Jurisprudence du cabinet - Taxation forfaitaire d’après « les signes extérieurs » : le droit fiscal ignore les réalités du concubinage (CAA Lyon, 30/06/2020, n°18LY03488).

En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus déclarés, l’administration fiscale peut rectifier son revenu imposable, en portant la base d'imposition à une somme forfaitaire déterminée par le barème de l’article 168 du Code général des impôts.

Dès lors qu’elle permet une taxation artificielle d’un revenu fictif, il s’agit normalement d’une procédure d’exception.

C’est pourquoi la doctrine administrative préconise de ne pas avoir recours à cette méthode de taxation dès lors qu’elle aboutirait à une imposition exagérée. C’est par exemple le cas des contribuables âgés dont les ressources ont effectivement diminué sans qu'ils aient, pour autant, réduit certains éléments de leur train de vie ou encore des contribuables privés de leur emploi (BOI-CF-IOR-60-20-10-10 n° 10, 12-9-2012).

Dans une affaire qui vient d’être évoquée devant la CAA de Lyon (CAA Lyon, 30/06/2020, n°18LY03488), c’est la procédure qui avait été choisie par la Direction des finances publiques.

Le service vérificateur estimait qu’une telle disproportion était établie au vu de la valeur locative du logement loué par la contribuable, et à la valeur de quatre véhicules qu’elle avait acquis puis revendus successivement au cours des trois années en litige. Cette somme forfaitaire excédant d’au moins un tiers les salaires déclarés par cette contribuable, la disproportion était selon l’administration caractérisée.

En réalité, cet écart s’expliquait aisément : le logement – modeste – et les véhicules étaient financés et utilisés en commun avec son concubin. Aussi, en tenant compte des revenus du couple, aucune disproportion au sens de l’article 168 du CGI ne pouvait être relevée. 

L’article 168 du CGI précise d’ailleurs que « Pour les éléments dont disposent conjointement plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacune d'entre elles ».

Mais la situation de concubinage notoire n’a pas suffi à convaincre l’administration fiscale, qui a refusé de revoir le barème de l’article 168 du CGI à la lumière des revenus des deux concubins.

Selon son analyse, le bail et les cartes grises étant au seul nom du contribuable – et non de son concubin -  seuls ses revenus devaient être pris en compte. En d’autres termes, il ne pouvait y avoir de disposition conjointe au sens de l’article 168 du CGI.

Il est à noter que dans le cas d’un couple marié, le barème est appliqué aux biens dont a disposé l’un ou l’autre des membres du foyer fiscal, compte tenu des revenus du couple, alors même qu’un seul des deux époux ou partenaire disposerait d’un titre (bail du logement, ou carte grise du véhicule).

Aussi, la Cour administrative d’appel de Lyon était invitée à trancher la question suivante : un contribuable peut-il faire échec à l’application de l’article 168 du CGI en apportant la preuve que son train de vie réel était financé en commun avec son concubin notoire ?

L’opinion de la Cour sur cette question restera inconnue, l’arrêt faisant droit à la demande de décharge du contribuable en raison d’un vice de procédure : la méconnaissance de l’article L 76 B du Livre des procédures fiscales en l’absence de communication au contribuable, qui en avait fait la demande, d’éléments obtenus de tiers, fondement du redressement.

C’est heureux, parce qu’en réalité, la preuve de la disposition commune des véhicules et du logement commun est difficile à apporter lorsque le bail, ou les cartes grises, sont au nom d’un seul des concubins.

La Cour s'est donc opportunément saisie de l’argument de procédure pour donner satisfaction à la demande, et reconnaitre ainsi, concrètement, sa légitimité. Il n’en reste pas moins que les couples informels doivent prendre des précautions pour ménager des preuves suffisantes, non seulement de leur communauté de vie, mais aussi du financement commun des éléments de train de vie.

Contact : sophie.morand@arbor-tournoud.fr