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Jeudis des Fiscalistes -Sophie Morand -Jurisprudence du cabinet- Acte anormal de gestion/Vente d’un immeuble à prix minoré : la critique de la valeur vénale doit être fiable et suffisamment documentée (CAA Lyon, 1er avril 2021, n°19LY01941 et n°19LY00398)

Le 19 mai 2021
Jeudis des Fiscalistes -Sophie Morand -Jurisprudence du cabinet- Acte anormal de gestion/Vente d’un immeuble à prix minoré : la critique de la valeur vénale doit être fiable et suffisamment documentée (CAA Lyon, 1er avril 2021, n°19LY01941 et n°19LY00398)

En application du « principe fondamental du droit fiscal » de non immixtion de l’administration dans la gestion des entreprises, chaque société est en théorie libre de sa gestion tant qu’elle est légale et réalisée dans son intérêt.

Par exception, l’administration peut remettre en cause une décision de gestion en se fondant sur la théorie de l’acte anormal de gestion.

C’est précisément ce qu’a entendu faire le service vérificateur dans cette affaire, qui a réévalué le prix de cession d’un immeuble immobilisé, considérant que le transfert de propriété intervenu entre une filiale et sa société mère constituait un acte anormal de gestion.

Au cours de la vérification de comptabilité, l’administration avait relevé qu’un cabinet mandaté par la société venderesse avait fixé la valeur vénale de l’immeuble à 1 550 000 euros. 

La transaction réalisée au prix de 1 350 000 euros a donc été jugée anormale, constitutive d’une renonciation à recettes pour le vendeur, et corrélativement d’une libéralité pour l’acquéreur, à hauteur de 200 000 euros.

A de nombreuses reprises ces dernières années, le conseil d’Etat s’est astreint à encadrer la charge de la preuve du contentieux de l’acte anormal de gestion. S’agissant de la cession d’un élément d’actif immobilisé, il est désormais établi que l’administration doit commencer par établir qu’il y a inévitablement cession de cet actif à un prix significativement inférieur à sa valeur vénale. 

Or, une telle démonstration implique de fixer de façon suffisamment précise et étayée la valeur de marché du bien litigieux.

Invité à statuer sur ce point, le Tribunal administratif de Grenoble avait estimé que l’administration fiscale pouvait se contenter du rapport d’expert privé et non contradictoire pour fixer la valeur vénale de l’immeuble à 1 550 000 et apporter la preuve d’une minoration de prix délibérée.

Pourtant ce rapport, daté d’une année antérieure à la vente, reposait sur deux méthodes qui estimaient le bien, pour l’une, à la somme de 1 448 200 euros, et pour l’autre, à la somme de 1 676 755 euros, soit un écart de plus de 225 000 euros. Cette différence, supérieure à l’écart de 200 000 euros reproché au contribuable, attestait de la difficulté d’évaluer cet immeuble.

Au demeurant, si l’expert indiquait avoir utilisé une méthode par comparaison, il ne relatait pas les données de marché utilisées dans son rapport. Ces informations étaient particulièrement attendues puisque l’administration fiscale soutenait par ailleurs qu’aucune transaction similaire n’était intervenue.

Convaincue par ces arguments, la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du Tribunal administratif, au motif que la valeur fixée par le rapport d’expert ne pouvait être regardée comme une estimation fiable de l’immeuble au jour de sa cession.

La Cour juge en conséquence que n’ayant utilisé aucune autre méthode d’évaluation, l’administration fiscale n’apportait pas la preuve d’une vente à prix minoré et donc d’une opération intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale.

Cette décision est particulièrement satisfaisante puisque le juge de l’impôt exige ici de l’administration des éléments suffisamment étayés et précis pour l’autoriser à entreprendre un redressement sur le fondement de l’acte anormal de gestion.

Cette exigence est d’autant plus appréciable puisque il suffit qu’un écart significatif soit révélé par l’administration,  pour que le caractère anormal de la transaction soit jugé suffisamment établi, à charge pour le contribuable de se justifier (CE plén. 21-12-2018 n° 402006, Sté Croë Suisse). La démonstration de l’administration de l’existence d’un acte anormal de gestion est donc tout à fait facilitée.

C’est pourquoi il est judicieux que le juge de l’impôt se montre intransigeant dans le cadre de la démonstration d’une vente à prix incontestablement et significativement minoré.

contact: sophie.morand@arbor-tournoud.fr