Menu
Menu
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Jeudis des fiscalistes - Bilel Hakkar - Jurisprudence du cabinet - De l’importance de la charge de la preuve dans le contentieux fiscal

Jeudis des fiscalistes - Bilel Hakkar - Jurisprudence du cabinet - De l’importance de la charge de la preuve dans le contentieux fiscal

Le 20 avril 2023
Jeudis des fiscalistes - Bilel Hakkar - Jurisprudence du cabinet - De l’importance de la charge de la preuve dans le contentieux fiscal

Jurisprudence du cabinet : Tribunal judiciaire de Grenoble, n°22/00847, 27 mars 2023

Ainsi que l’illustrait notre Confrère Marc TOURNOUD dans son article du 23 février dernier relatif à la procédure de taxation d’office, la question de la charge de la preuve est aujourd’hui déterminante dans la gestion des contentieux fiscaux.

Bien souvent, du point de savoir à qui cette charge de la preuve incombe dépendra l’issue du contentieux engagé.

Par principe et, pour schématiser, lorsque l’administration notifie des redressements au contribuable au terme d’une procédure contradictoire et que ceux-ci sont contestés dans les délais, le fardeau de la preuve pèsera sur l’administration.

Inversement, lorsque ces redressements seront adressés au terme d’une procédure de taxation d’office, ou, lorsqu’ils ne seront pas contestés dans les délais impartis, la preuve du bienfondé des redressements pèsera alors sur le contribuable, l’administration devant tout de même démontrer l’applicabilité de la procédure de taxation d’office (par exemple en démontrant le défaut ou le retard de souscription d’une déclaration, l’existence d’une opposition à contrôle fiscal…).

Dans l’espèce qui nous intéresse, l’administration fiscale avait décidé de remettre en cause le montant de l’actif net successoral qui avait été déclaré par des contribuables suite au décès d’un membre de leur famille, considérant qu’une somme de plus de 200.000 euros devait être rapportée à ladite succession.

Cette somme constituait, selon l’administration, une créance du défunt à l’endroit du conjoint survivant et devait, en cette qualité, être réintégrée à l’actif successoral.

Au soutien de son raisonnement, l’administration faisait valoir que le conjoint survivant avait réalisé différents placements financiers à l’aide de deniers provenant de la vente d’un bien propre appartenant à son épouse.

Mais si le fait n’était pas contesté, en tout cas du point de vue de la matérialité qui le constitue, l’interprétation qui en était faite par le service, à savoir la caractérisation d’une dette du conjoint survivant à l’endroit du défunt, l’était radicalement.

Nous faisions en effet valoir que l’opération en cause devait s’analyser comme une donation indirecte exclusive de tout lien de créance, dès lors que la défunte s'était, volontairement, non seulement appauvrie mais également dessaisie de manière irrévocable au profit de son conjoint, puisqu’il n’existait aucun élément permettant de supposer que l'autre époux s'était engagé ou avait l'intention de la rembourser, qu'aucune créance ne figurait dans l'actif successoral et que le conjoint ayant bénéficié des actifs s’est comporté en propriétaire sur les biens ainsi reçus.

L’administration, qui supportait ici la charge de la preuve, ne produisait aucun élément probant au soutien de sa thèse et s’était notamment abstenue de produire une déclaration de contrat de prêt (formulaire Cerfa n°2062) qui doit être enregistrée au service des impôts alors même qu’elle ne manque pas d’invoquer systématiquement cette absence de production dans les dossiers lorsque, par exemple, tel contribuable fait valoir que telle somme d’argent provient d’un prêt qui lui a été consenti.

Le Tribunal judiciaire de Grenoble entérine cette position et considère, sur le fondement des dispositions civilistes, que :

« Aux termes de l’article 9 du Code de procédure civile, chaque partie doit établir la réalité des faits qu’elle invoque et nécessaire au succès de ses prétentions, l’article 1353 du Code civil, (ancien article 1315) rappelant que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui aurait entraîné l’extinction de son obligation.

Par renvoi aux dispositions de l’article 1353 du Code civil, c’est sur l’administration fiscale que repose la charge de la preuve, laquelle doit démontrer l’existence d’un prêt, ou l’existence d’une obligation souscrite par Monsieur [X] de rembourser les sommes versées sur le contrat d’assurance-vie à son nom.

Force est de constater qu’elle échoue à rapporter cette preuve ».

Tirant les conséquences de ses propres constatations, le Tribunal déboute l’administration de l’ensemble de ses demandes, la condamne aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à rembourser une partie des frais d’avocat engagés par les contribuables et prononce la décharge de l’ensemble des impositions litigieuses. 

 

photo-bilel.jpg

Bilel Hakkar,

Avocat.

Contact :  bilel.hakkar@arbor-tournoud.fr